«Il faut ouvrir la boîte noire du génome des blés»
Un consortium s’est lancé en 2005 dans le séquençage du blé cultivé. Selon Catherine Feuillet, une de ses directrices, ce projet permettrait de diversifier le patrimoine génétique des semences.
Le blé, première source de protéine agricole, commence livrer son génome. Cette semaine, la revue Nature a publié deux articles d’équipes chinoises révélant les brouillons des génomes de Triticum urartu et Aegilops tauschii, descendants des ancêtres des blés actuels (1). Un consortium mondial s’attaque depuis huit ans au décryptage du génome des blés cultivés. Catherine Feuillet, l’une de ses six présidentes, directrice de recherches l’Institut national de recherches agronomique (Inra) Clermont-Ferrand, fait le point.
Où en est le séquençage du génome du blé ?La génétique du blé pose des problèmes redoutables. Les blés tendres (Triticum estivum), qui constituent 95% des surfaces cultivées et sont panifiables, ont un triple génome et probablement plus de 90 000 gènes, contre moins de 30 000 pour l’homme. Ce triple génome provient de deux fusions génétiques. La première est survenue il y a environ un million d’années entre des ancêtres sauvages, dont l’un très proche du Triticum urartu, étudié par une équipe chinoise, qui a produit l’ancêtre du blé dur utilisé pour les pâtes. Puis, lors de la domestication du blé, il y a dix mille ans en Mésopotamie, une seconde fusion entre un blé cultivé et la plante sauvage Aegilops tauschii a introduit le gène de «tendreté», mais aussi un troisième génome entier pour former l’ancêtre du blé tendre.
Ces trois génomes se ressemblent beaucoup, ce qui complique le travail de séquençage. Beaucoup a été fait depuis huit ans dans le cadre d’un consortium (2) qui vise le séquençage complet et l’analyse de chaque chromosome des blés cultivés, ce qui correspond une demande expresse des sélectionneurs de semences. Le seul chromosome entièrement achevé est celui dont la France avait la charge. Avec l’aide de son mégacentre de séquençage, le (...)